SLA / Maladie de Charcot
La rencontre qui a tout changé
Je me souviens encore de cette première rencontre avec Lynette. Ses yeux bleus perçants contrastaient avec son corps déjà partiellement immobilisé par la SLA. "Je ne veux pas de pitié," m'avait-elle dit. "Je veux juste me sentir vivante, encore un peu." Cette phrase résonne encore en moi aujourd'hui et guide ma pratique quotidienne auprès des personnes atteintes de la maladie de Charcot.
Quand les mains parlent
Dans mon métier de Magnetiseur, j'ai découvert que mes mains peuvent raconter des histoires que les mots ne savent plus dire. Elles peuvent murmurer "tu comptes" quand la parole devient difficile. Elles peuvent transmettre "je te vois" quand le regard de l'autre se trouble d'inquiétude.
Le corps affaibli par la SLA reste un territoire sacré. Un temple parfois en ruines, mais où vit encore une flamme précieuse. Mon travail n'est pas de reconstruire ce temple – la médecine tente déjà ce combat – mais d'honorer cette flamme qui brûle encore, cette conscience intacte prisonnière d'un corps qui s'éteint progressivement.
La leçon de Claire
Claire ne pouvait plus bouger que ses paupières quand j'ai commencé à l'accompagner. À l'aide d'un système de communication assistée, elle m'a confié un jour : "Les gens pensent que je ne ressens plus rien. Ils me touchent comme un objet fragile. Toi, tu me touches comme une personne."
Ce jour-là, j'ai compris la profondeur de notre travail. La maladie de Charcot dépouille l'être de sa mobilité, mais pas de sa sensibilité. Chaque effleurement, chaque pression douce, chaque massage léger devient une connexion avec le monde, une affirmation : "Tu sens, donc tu es."
L'art délicat de l'adaptation
Accompagner quelqu'un atteint de SLA, c'est réapprendre son métier chaque semaine, parfois chaque jour. C'est une danse perpétuelle avec l'évolution de la maladie :
Hier, un soin des épaules était bienvenu. Aujourd'hui, c'est trop douloureux. Demain, ce sera peut-être impossible.
J'ai appris à observer avant d'agir, à questionner avant de proposer, à m'adapter constamment. Cette flexibilité n'est pas une contrainte – elle est une forme de respect profond pour le chemin unique de chaque personne.
Les petites victoires invisibles
Le bien-être dans le contexte de la SLA se mesure différemment. Une respiration plus profonde après un soin. Un sourire fugace. Quelques minutes de sommeil paisible. Une tension qui se relâche momentanément.
Ces victoires semblent minuscules vues de l'extérieur. Pourtant, elles sont immenses pour qui les vit. Elles sont des îlots de paix dans un océan de difficultés. Mon rôle est de créer ces îlots, aussi éphémères soient-ils.
Entre présence et absence
L'un des défis les plus profonds de ce travail est de trouver l'équilibre entre une présence totale et un effacement nécessaire. Être pleinement là, attentif à chaque réaction, à chaque besoin. Mais aussi savoir s'effacer, ne pas imposer, ne pas envahir.
La personne atteinte de SLA vit déjà sous le joug d'un corps qui la contraint. Mon accompagnement ne doit jamais devenir une contrainte supplémentaire, mais un espace de liberté possible.
Ce qu'ils m'ont appris
On me demande souvent comment je supporte émotionnellement cet accompagnement face à une maladie aussi implacable. La vérité, c'est que je reçois infiniment plus que je ne donne.
J'ai appris auprès de ces personnes extraordinaires :
- La valeur inestimable de l'instant présent
- La distinction entre l'essentiel et l'accessoire
- La capacité de rire même dans l'adversité
- Le courage tranquille face à l'inévitable
Un pont entre deux mondes
Les proches des personnes atteintes de SLA sont souvent démunis. Comment toucher sans faire mal ? Comment montrer son amour quand les gestes habituels deviennent impossibles ?
Parfois, mon rôle est aussi de leur montrer, de les guider vers une nouvelle façon d'être en relation physique avec leur être cher. Un simple effleurement du visage, une main posée sur le cœur, un massage léger des tempes – ces gestes simples peuvent recréer du lien là où la maladie crée de la distance.
La beauté au cœur du chaos
La maladie de Charcot est brutale, injuste, dévastatrice. Pourtant, au cœur de ce chaos, j'ai été témoin d'une beauté rare : la beauté de l'humain qui, malgré tout, continue d'aimer, d'espérer, de ressentir.
Chaque fois que mes mains apportent un moment de paix à un corps en guerre contre lui-même, je suis témoin d'une petite victoire de la vie sur la maladie. Et cette victoire, aussi brève soit-elle, justifie tous les efforts.
Je ne prétends pas guérir. Je ne prétends pas sauver. J'accompagne simplement, avec humilité et détermination, sur un chemin difficile. Car même sur ce chemin, la douceur est possible. Même dans la tempête de la SLA, des rayons de soleil peuvent percer.
Et si mon travail peut être l'un de ces rayons, alors il a tout son sens.